Month: August 2018
Miguel et José Ballester Soriano. Une mère qui n’a plus jamais pu embrasser et embrasser ses enfants.
« Oui, mais plus jamais je ne les embrasserai. »
Miguel et José Ballester Soriano ont épousé deux sœurs, Juana Hilda Laferte Chávez et Luz Marina Lafertt Chávez (une erreur typographique passée à leur descendance). Marina, ma tante, est arrivée en Espagne avec sa fille aînée au début des années 60 pour rencontrer les parents de mes oncles et le reste de la famille.
Ils étaient 5 frères, dont deux finirent exilés et deux perdirent la vie. À la mort de leurs parents, Les deux frères exilés payèrent le voyage de leur frère pour qu’il leur rende visite au Chili. Pendant le voyage, il rencontra Nino Bravo – je crois qu’il parla bien plus de cette rencontre que de ses frères et ses neveux.
Il y a trois ans, j’ai appris qu’ils avaient voyagé à bord du Winnipeg. Je suis entrée en contact avec Jaime Cardona Jasenwirth qui m’a beaucoup appris au sujet de mes oncles, et j’ai été mise en contact avec Ana Calero San Martin, une autre descendante de passagers du Winnipeg. Cela dit, j’avais déjà entendu le nom de Pablo Neruda. Miguel et José Ballester Soriano étaient cousins germains de ma mère, mais les rapports entre leurs parents avaient toujours été très soudés. Leur mère et ma grand-mère étaient sœurs, et même si leur fratrie comptait également deux frères, ma grand-tante avait toujours pu compter sur ma grand-mère. Elle avait ressorti les lettres qu’elles s’envoyaient pour que ma sœur puisse les lire et y répondre.
Chaque année, elles nous envoyaient des photos. Je ne m’en souviens pas car j’étais très jeune à l’époque, mais ma mère et son frère leur envoyaient aussi des photos de nous, car quand mon oncle José nous a rendu visite, il n’a reconnu que ma mère et son frère, aucun de ses nombreux cousins. Mon oncle José et sa femme ont vécu deux ans au Chili. À cause de la dictature de Pinochet, il a dû quitter le Chili pour l’Allemagne de l’Est, mais ses enfants, frères et neveux y sont restés. Un de ses amis a fini par lui trouver du travail au Vénézuela ; il avait l’habitude de dire qu’au moins, ils se trouvaient alors “à mi-chemin”.
En 1984, José nous a écrit pour nous annoncer la mort de l’oncle Miguel. Ce dont je ne me souviens pas, c’est s’il était déjà retourné au Chili à ce moment-là. José est mort en 1997. Les échanges avec cette branche de notre famille ont fini par s’éteindre, mais je sais que les cousins ont gardé le contact entre eux.
Maintenant que j’ai vu les photos de mon oncle José datant de l’époque où il s’occupait de toutes les formalités administratives pour rester au Chili, je comprends pourquoi le frère de ma mère l’a tout de suite reconnu quand il l’a vu passer dans la voiture qui l’emmenait en ville ; il ressemblait énormément à son frère Rafael qui est mort ici.
J’ai toujours entendu sa mère – ma grand-tante – dire que sur les 5 enfants qu’elle avait eus, 4 étaient morts, ce à quoi ma grand-mère répondait invariablement “Elvira, ne dit pas ça, ils ont une famille à l’autre bout du monde, et toi aussi.” “Oui, mais plus jamais je ne les embrasserai.”
Ce n’est qu’une partie de l’histoire que ma mère m’a racontée. Je ne sais pas grand chose de la période à laquelle mon oncle a vécu en Espagne dans les années 1970. Ils me manquent.