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Francia enviaba a los republicanos a los campos de concentración
Antes de cruzar los Pirineos, muy pocos se preocuparon de imaginar la acogida que tanto las autoridades como le pueblo francés les brindarían, pues no había motivos para desconfiar. Cuán duro le resultó aceptar la realidad!Francia enviaba a los republicanos a los campos de concentración, los consideraba prisioneros de guerra, los rodeaba de alambradas, apostaba una nutrida vigilancia en tomo a ellos y no les proporcionaba un techo para protegerlos de las lluvias, el viento y el frío. Sólo recibieron un trozo de pan y agua que tardó a llegar a sus manos.
Las primeras palabras francesas que oyeron los refugiados fueron una orden seca: “Allez!, allez! Circulez!, circulez!” y sonaron como martillazos en sus cabezas. ( En Los españoles del Winnipeg, J Ferrer Mir, página 34)
campos de concentración- la unión de la vida y la muerte
Los campos de concentración en Francia europea fueron varios: Le Perthus, Prats de Molló, Argelés sur Mer, Agde, Saint Cyprien, Tour de Carol, Mont Louis, Amélie-Les Bains, Arles sur Tech, Vernet-les Bains, Gurs, Barcarés, Septfonds, Bram, Mazéres…Hubo otros en suelo argelino y marroquí. En cada uno de ellos, miles de refugiados alimentaban sus esperanzas, estoicamente, mientras a su alrededor nacían criaturas que eran paridas sobre húmedas arenas y cientos de disentéricos agonizaban y contagiaban a sus compañeros de infortunio. Eran la vida y la muerte que nuevamente se unían, ahora en tierra extanjera. (En Los españoles del Winnipeg, J Ferrer Mir, páginas 35-36)
Gobierno francés. Qué amarga desilusión!”
“…el gobierno francés no nos trataba como a veteranos de una guerra de liberación, sino como presidiarios que se venían a Cayena. Qué amarga desilusión!”
(Erich Weinert, En Los españoles del Winnipeg, J Ferrer Mir, página 37)
Los Campos de Concentración en Francia
Playa abierta
mares cerrados de pena
aire preso en los espinos…
Argelés-Sur-Mer
espacio clavado
de hombres caídos
en el pozo sin fondo
de la ilusión perdida…
Paisaje de mantas descoloridas
tufo de pólvora y regusto de sal
hombres peleando
esclavos impelidos
seres agarrados a un sueño
mar abierto y campo cerrado
arena fría y vor´gine de sarna.
Cuando primero de un exilio
inicio de tiempos erráticos
umbral de un capítulo salvaje
de tragedia y de calvario
Allez, allez,
circulez,
Allez, allez,
circulez,
Allez, allez.
Circulad, hombres enjaulados,
corred por la playa lacerad
pisad sin tregua la arena
destilad vuesto monte de pena.
Os han vencido, habéis perdido.
Allez, allez,
circulez.
Melitón Bustamante Ortiz (Fragmento)
Comment mon grand-père a fait partie de cette histoire
Comment mon grand-père a fait partie de cette histoire
En 2015, je travaillais sur un projet de visualisation des données maritimes (que vous pouvez découvrir en suivant ce lien : http://lumacode.com/projects/gttw/ ) et j’avais pour idée de le transformer en une représentation poétique du port de Buenos Aires, où je savais que mon grand-père avait vécu lorsqu’il était en Argentine. Je venais tout juste de retrouver une vieille carte d’identité chez ma mère, dans leur village natal de la province de Guadalajara en Espagne.
De nos jours, on peut presque tout trouver sur Internet, et j’ai donc décidé de faire une recherche avec son nom, Franciso Mencía Roy, accompagné de la ville où il avait vécu en Argentine, Comodoro Rivadavia. À ma grande surprise, j’ai retrouvé mon grand-père et son frère Cosme sur la liste des passagers d’un navire baptisé le Winnipeg. Ma surprise était d’autant plus importante que je ne m’étais pas du tout attendue à trouver leurs noms en ligne. Dès lors, ce projet a pris une tout autre dimension. Ma curiosité était piquée : je voulais en apprendre davantage et explorer ces nouvelles possibilités pour créer une œuvre à la fois historique et artistique, basée sur un évènement intime et personnel, que je pourrais présenter au festival E-Poetry à Buenos Aires.

C’est ainsi que j’ai commencé à faire des recherches sur le Winnipeg. Personne dans ma famille ne savait qu’ils avaient voyagé à son bord. Après la guerre civile d’Espagne, beaucoup de républicains espagnols, dont mon grand-père et son frère semblaient faire partie, s’étaient enfuis en France et avaient fini prisonniers dans des camps de concentration dans le sud du pays. Cette découverte a été un véritable choc pour ma famille, d’autant plus que j’ai appris par la suite que le célèbre poète chilien Pablo Neruda, amoureux de l’Espagne et ému par la situation de ces réfugiés, avait décidé de les aider par pure solidarité. Il résidait alors au Chili où il travaillait comme consul chargé de l’immigration et, avec le soutien du Premier ministre chilien, Pedro Aguirre Cerda, il affréta le Winnipeg pour un voyage qui devait mener les 2200 Espagnols exilés de la guerre civile de Trompeloup, en France, à Valparaiso, au Chili, le 4 août 1939.
(Vous pouvez lire « Misión de amor » [Mission d’amour] dans le recueil de Neruda, Memorial de la Isla Negra [Mémorial de l’île noire]. Dans ce magnifique poème dont le titre peut être interprété comme « un travail de l’amour » ou « une mission d’amour », il explique comment il appelait ces réfugiés par leur nom et comment ils se présentaient à lui, en indiquant leurs professions. Il les compare à des graines qu’il aurait semées dans l’océan et qui faisaient route vers la paix.)
Avant que le Winnipeg ne largue les amarres, l’atmosphère était remplie d’émotion. On raconte que Pablo Neruda en a été si touché qu’il a voulu consigner ce souvenir bien précis en écrivant ces mots : « Que la crítica borre toda mi poesía, si le parece. Pero este poema, que hoy recuerdo, no podrá borrarlo nadie » (Que la critique efface toute ma poésie si bon lui semble, mais ce poème que j’écris aujourd’hui, personne ne pourra l’effacer.)
J’avais du mal à croire que mon grand-père avait été sauvé des camps de concentration français par Pablo Neruda et qu’il avait pu voyager à bord de son cargo. À ce que je sais, mon grand-père était infirmier et j’imagine que pour un voyage aussi long, cela faisait de lui un atout. J’ai essayé de retrouver de lointains cousins susceptibles de me donner des informations sur le Winnipeg ou d’avoir de la famille au Chili, mais ce n’est que très récemment que j’ai appris que Cosme s’était marié et avait de la famille dans ce pays. Malheureusement, je ne l’ai su qu’après mon voyage au Chili et je n’ai pas encore réussi à entrer en contact avec eux.
C’est ainsi que mon projet de recherche-création est passé des applications mobiles et de la visualisation des données maritimes à une exploration des évènements en lien avec la guerre civile espagnole et à la mémoire historique de l’Espagne et du Chili. J’ai découvert des livres et des expositions en rapport avec le Winnipeg et ses passagers, leurs vies et leurs familles, ainsi que l’URL des archives de La Memoria Chilena. C’était incroyable voir l’histoire de mon grand-père se déployer ainsi sous mes yeux, de dénicher des anecdotes et des informations sur cet évènement important bien que largement oublié en Espagne, et de voir comment cela m’a personnellement affectée et influencée.
J’ai commencé par vouloir créer une visualisation poétique des navires en partance pour l’Amérique latine au cours du mois d’août 1939. Le Winnipeg en serait la vedette, un cargo rempli d’adieux, d’émotions et d’espoirs. J’ai pris contact avec des bibliothèques pour tenter de localiser le journal de bord du bateau, ou toute autre sorte d’information numérisée qui m’en aurait appris davantage sur les navires en partance de France et d’Espagne cette année-là. À ce jour, je n’ai pas encore trouvé de version numérique du trajet emprunté par le Winnipeg. De telles données associées à des coordonnées auraient été très utiles pour visualiser précisément la traversée du cargo, mais j’ai tout de même trouvé dans les archives de La Memoria Chilena une carte où l’on peut voir la route empruntée par les navires entre Trompeloup et Valparaiso. C’est cette carte qui fait aujourd’hui partie du projet et le parcours du Winnipeg y est représenté par une ligne de texte contenant les noms de tous ses passagers.

Je me suis rendue à Buenos Aires en 2015 pour présenter le prototype de ce projet au festival E-Poetry. L’auditoire m’a témoigné beaucoup d’intérêt et de curiosité. Une autre surprise m’attendait au Museo de la Inmigración (MUNTREF), autrefois l’hôtel des immigrants en raison de sa proximité avec le port. Le jour de l’inauguration, j’ai appris qu’ils avaient numérisé les listes des passagers débarqués au port et j’y ai trouvé une preuve de l’arrivée de ma grand-mère, le 12 février 1951. Elle avait voyagé sur le Cabo de Buena Esperanza avec quatre de ses enfants — mon père ayant dû rester en Espagne, car il était en âge d’effectuer son service militaire. Mes oncles et tantes étaient alors jeunes : l’aînée avait 20 ans, les deux garçons en avaient respectivement 18 et 16, et la benjamine était âgée de 13 ans. La date de leur arrivée m’indiquait que cela faisait onze très longues années qu’ils n’avaient pas vu mon grand-père. En plus de cela, j’ai appris que ma grand-mère et sa plus jeune fille étaient rentrées rapidement en Espagne, car mon grand-père était mort peu de temps après leur arrivée. Leurs trois autres enfants avaient décidé de rester en Amérique latine pour y bâtir une vie meilleure et avaient fini par s’installer à Caracas. Bien des années plus tard, mon père a fait le voyage jusqu’au Vénézuéla pour y rendre visite à sa famille, accompagné de ma mère. D’abord partis pour une courte visite, ils auront passé sept ans là-bas… Et c’est aussi là-bas que je suis née.
Jamais je n’aurais imaginé avoir une dette envers le poète auteur des Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée que j’ai tant de fois recommandés à mes étudiants en espagnol à Londres, ce même Pablo Neruda qui a écrit Le livre des questions. Je lui dois d’avoir contribué à forger mes centres d’intérêt : les voyages, les cultures, les langues, la littérature, les arts, le besoin d’explorer et d’être curieuse de tout, le sentiment permanent de venir d’ailleurs et d’être différente, de connaître à la fois la joie et la mélancolie, ma capacité voler de mes propres ailes et à faire preuve de persévérance et de détermination — un trait que je sais désormais hérité de ma famille. Enfin, je lui dois d’avoir sauvé mon grand-père et son frère. Je me dois aussi d’ajouter que mon père a toujours éprouvé de la tristesse et de l’amertume à l’idée d’avoir perdu son père alors qu’il n’avait que onze ans, lorsque mon grand-père est parti d’abord à la guerre, puis en exil, et de ne l’avoir jamais revu.
On pourrait dire que cette histoire qui m’a accompagnée sans même que je le sache est le fruit de nombre de mes projets, en particulier ceux en lien avec ce « Poème qui a traversé l’Atlantique », tels que « Cityscapes : Social Poetics/Public Textualities » (2005) et « Connected Memories » (2009). C’est drôle comme nous ignorons parfois la source de nos sentiments les plus profonds !
Après le festival E-Poetry de Buenos Aires, j’ai continué à faire des recherches et me suis rendue au Chili, dans la superbe ville de Valparaiso. J’y ai visité les demeures de Neruda, Isla Negra et Santiago du Chili où j’ai continué à éplucher les archives, à écumer les centres communautaires et les galeries, à filmer, à prendre des photos et à parler aux habitants. Et lorsque ceux-ci me demandaient ce que je faisais au Chili, je leur répondais que mon grand-père m’y avait amenée. C’était un sentiment merveilleux qui me réchauffait le cœur et me donnait l’impression d’être la bienvenue dans ce pays, comme si une partie de moi y avait toujours appartenu. Je me sentais chez moi dans un lieu où je n’étais jamais venue auparavant et débordais de gratitude envers la générosité que me témoignaient les habitants.
Pour finir : nous avons créé ce site pour encourager les lecteurs, les familles des passagers et quiconque aimerait contribuer à soumettre leurs propres histoires pour qu’elles viennent s’ajouter à cette visualisation poétique du voyage du Winnipeg. C’est ce que j’ai intitulé « Le poème qui a traversé l’Atlantique ». Il me semble avoir lu cette phrase au cours de mes recherches et j’ai aussitôt aimé cette image du navire comme poème transportant ses nombreuses histoires. Le Winnipeg a transporté les histoires entremêlées des passagers et de leurs familles, et celles-ci sont désormais représentées dans l’océan du World Wide Web, en compagnie des poèmes de Pablo Neruda et des informations en lien avec cet évènement.
Un poème créé avec affection pour un grand-père que je n’ai jamais connu ; pour mon père qui n’a pas revu son propre père depuis ses onze ans ; et pour tous ceux qui traversent aujourd’hui des épreuves similaires. Les perdus, les réfugiés, les exilés.